Le garage de la claire pratique
la réparation automobile selon un mode
artisanal.
La mécanique y est le cœur de
métier, et la vitrine du garage tout comme la conception et l'agencement de
l'espace en témoignent. Il est un lieu où le bloc opératoire figure au premier
plan, sans la frontière cognitive aseptisée d'un comptoir guichet à hôtesse
des succursales où l'on vend le rêve automobile.
L'odeur de cambouis est omniprésente, tout ce que l'on touche salit. En
guise de sas d'entrée, le mécanicien doit traverser l'atelier pour accéder à un
vestiaire de fortune, tout comme le client qui, pour atteindre le bureau et la
caisse, doit se faufiler entre deux piles de roues ou enjamber crics et batteries. Mais, à l'instar de
certains restaurants où le consommateur a désormais vue sur les fourneaux, on ne
constate pas dans le garage de mise en scène mue par souci de l'esthétique,
exception faite des calendriers fixés au mur, nous rappelant que la mécanique
automobile est un univers qui convoque souvent le genre féminin sous ses formes
les plus caricaturales.
Même si le bruit visuel de cette représentation brouillonne éprouve notre perception, au risque d'alimenter le sentiment que nous assistons à une orchestration non maîtrisée, il n'en est rien. Cette organisation nous immerge dans la réalité du processus de réparation de la mécanique automobile, une intrication de corps solides et de corps gras bien éloignée du "high tech" et glamour polissé de l'automobile moderne.
Même si le bruit visuel de cette représentation brouillonne éprouve notre perception, au risque d'alimenter le sentiment que nous assistons à une orchestration non maîtrisée, il n'en est rien. Cette organisation nous immerge dans la réalité du processus de réparation de la mécanique automobile, une intrication de corps solides et de corps gras bien éloignée du "high tech" et glamour polissé de l'automobile moderne.
Ce garage démodé n'en demeure pas moins éminemment actuel, notamment
dans ce qu'il répond à la demande d'une classe sociale populaire dont l'accès
aux concessions automobiles clinquantes est discriminé par le standing et
l'argent. Au garage de la claire, le travail le moins rémunérateur est accepté,
c'est à dire des réparations mécaniques complexes sortant du champ
conventionnel et lucratif de l'échange standard. La mécanique la moins
rutilante y est pratiquée, les propriétaires de voitures de peu n'y sont pas
snobés.
Le garage de la claire nous offre
encore pour quelque temps un espace tangible salutaire, opposable à la
plastique uniforme du showroom glacial des grands garages automobiles.
Un vestige d'une époque sur le
déclin, qu'un élargissement de voie de circulation effacera bientôt du paysage du quartier.